Des couloirs de la prison aux classes de comptabilité
Updated: Mar 25, 2021

Oui, j’y ai cru. En terminant mes études secondaires au collège du St Mary’s à Rose- Hill, je me retrouve face à un boulevard. Je ne sais plus quel chemin emprunté. La situation modeste de mes parents n’arrangeait pas les choses. Je fais très vite le constat que certaines voies ne sont clairement pas envisageables. Du moins, pas dans l’immédiat.
L’aspiration de poursuivre des études supérieures, je la mets de cote et fais le grand plongeon dans le monde du travail sans perdre de temps. Au début, c’était la galère. Moi qui étais le bavard de la classe, celui qui amusait la galerie avec ses remarques et ses blagues répétitives, la transition n’est pas la plus facile. Contrairement aux matières que j’ai faites au collège, je me tourne vers l’informatique et l’électronique pour me lancer. Un statut précaire, une carrière encore incertaine. En parallèle, je suivais des cours de technicien en informatique et électronique, un défi que j’ai relevé avec brio. Suite à l’aboutissement de tout cela, je sentais que c’était ça ma destinée.
Ayant acquis des connaissances et empoché les certificats requis, je décroche un boulot comme apprenti technicien. Mon travail consiste à réparer des appareils. Ceci me fascine profondément. Je laisse voguer mon imagination, je me vois déjà comme ingénieur. Ma passion ne laissant pas indifférent mon superviseur, je suis ‘promu’ et on m’envoie séjourner entre les quatre murs de la prison de Melrose qui était alors en pleine construction. Mon superviseur avait vu en moi du potentiel. Moi qui au début cherchai juste un petit boulot, me voilà embarqué dans une situation où tous les jours j’allais côtoyer des Bangladeshis, des Chinois et bien sur des Mauriciens.
A Melrose, je suis confronté à un environnement où règne un manque d’hygiène et de sécurité sans précédent. Ma santé en prend un sérieux coup et je suis souvent hospitalisé. Renoncer, tout plaquer n’était pas dans les options existantes. « Mo in manz ar li ». L’argent que je percevais me permettait d’aider mes parents tout en économisant une partie afin de poursuivre des études supérieures. Cet épisode sombre à la prison allait durer deux ans. J’en sors grandi, muri, responsable et de surcroit avec une expérience inestimable sur le marché du travail.
Subissant constamment les moqueries des gens lorsque je rentrais tout sale chaque après-midi du travail (dans le bus) et voyant la situation financière toujours aussi précaire de mes parents, je décide de prendre un nouvel élan et m’inscris pour une formation à la Chambre de Commerce et d’Industrie. Cette fois encore, je me vois attribuer la mention ‘très bien’ à la fin du cours et je savoure davantage cette réussite, car je travaillais en même temps. Déterminé à poursuivre mes études, j’envoie mon formulaire d’application dans plusieurs universités locales, une à la Réunion et deux autres en France. Je reçois quatre propositions et celle de l’Université des Mascareignes attire mon attention.
J’intègre l’Université des Mascareignes en Aout 2015 et j’opte pour une licence en management ; mon rêve allait enfin se réaliser, mes parents étaient fiers. Je le sentais, cela se voyait dans leurs yeux. J’ai bossé jour et nuit, jour férié compris ; j’ai travaillé plus de quinze heures par jour par moment afin de financer mes études. J’étais fièr, mais aussi fatigué, presque à bout de souffle.
Je conçois que mon parcours jusqu’ici n’a rien de surprenant. Je voulais surtout partager que le travail acharné paye. C’est avec de la persévérance, de la détermination, de la patience, du courage et l’envie de foncer que j’ai pu atteindre aujourd’hui mon objectif. Dans quelques jours, je vais prendre part à mes examens et chaque fois que je revois mon parcours, je me dis qu’il faut que j’encourage d’autres jeunes, qui comme moi font face à des problèmes financiers, à foncer dans la vie. Au diable la désillusion. N’abandonnons pas nos rêves les plus chers. Pourquoi baisser les bras ? La vie est faite d’embuche et alors ? Je suis sûr que nous avons tous cette force intérieure pour tout surmonter. Il suffit de s’entourer de gens qui croient en vous et vous encouragent à toujours aller de l’avant. Et oui, J’y crois toujours.